C'est par un arrêt du 8 août 1788, que Louis XVI décida la convocation des Etats Généraux pour le 1er mai 1789. L'ordonnance de mars 1789 de M. le bailli d'épée du Baillage de Lixheim, le baraude Mahuste a dû être lue par les prêtres dans les églises et affichée à la porte de celles-ci. Le parti "Patriote" incita le roi à octroyer au Tiers Etat autant de députés qu'aux deux autres parties réunis, ce qu'il décida le 27 décembre 1788.
Le Tiers posa implicitement le principe du vote par tête et non par ordre. La noblesse refusa et le Clergé adopta une réponse dilatoire. Le 12 juin, après une ultime démarche auprès des deux ordres privilégiés, le Tiers, rejoint par une partie du clergé, procéda à la vérification des pouvoirs. Le 17 juin, le Tiers décida de prendre le nom d'Assemblée Nationale et, deux jours plus tard, le 19 juin, le roi tenta d'interrompe les Etats Généraux. Mais le Clergé rejoignit dans sa totalité le Tiers, imité par une partie de la noblesse.
Les faits se précipitèrent jusqu'à la condamnation à mort du roi.
L'ordonnance et le règlement pour la convocation des Etats Généraux de 1789, ne prescrivait pas seulement l'élection des députés à cette assemblée, mais encore la rédaction de cahiers de doléances, c'est à dire de cahiers où seraient exposés les abus dont avaient à souffrir les différentes classes de la société et les moyens que l'on croyait propres à y remédier.
Les humbles paysans des campagnes qui avaient dû supporter si longtemps en silence leurs charges et leur misère, accueillirent avec une joie bien naturelle cette permission que leur donnait le roi d'exprimer en toute liberté les doléances que la crainte jusque là avait retenues sur leurs lèvres. Ils le témoignaient souvent en termes naïfs dans leurs cahiers. Il n'était en effet pas facile pour eux de rédiger leurs plaintes et doléances.
"Le 20 juillet 1788 à 7 heures du soir dans la salle d'école, la communauté de Biberkirch ayant été convoqué et les membres d'icelle présents au nombre de quarante sept, il a été procédé par la voix du scrutin, en présence de M. Nicolas Corringer curé de la paroisse, à l'élection des représentants du Tiers dans l'assemblée municipale de la dite Communauté et ont été choisis à la pluralité des suffrages Pierre Conrad menuisier, Jean Georges Mettenet manœuvre et Nicolas Vaché boulanger, dont a été dressé le présent Procès Verbal que les élus ont signé avec M. le Commissaire, le Maire, le Syndic de la Communauté, fait à Biberkirch le jour, heure et comme de fins.
Ont signé Peter Conrad, Georg Mettenet, Nicolas Vaché, plus une signature illisible.
Corringer curé commissaire. "
Ceci est le premier acte qui se trouve dans le registre du Conseil Municipal de Biberkirch.
Le deuxième acte nous donne l'élection du syndic.
"Ce jourd'huy vingt sept juillet mil sept cent quatre vingt huit à trois heures de l'après midi dans la salle d'école, les trois Membres Choisis par l'assemblée paroissiale avec M. le Commissaire ont procédé à l'élection du Syndic par la voix du scrutin, et a été choisi à la pluralité du suffrage Joseph Sour, potier, et en même temps a été choisi à la pluralité des suffrages pour greffier Nicolas Schneider maître d'école, au défaut d'un particulier cotisable, sachant les deux langues et l'orthographe, dont a été dressé le présent procès verbal que les membres de la municipalité, M. le commissaire, le syndic et greffier élu ont signé."
Le procès verbal suivant donne l'élection de l'Assemblée Municipale.
" Dans la maison de Nicolas Vaché, ancien Maire, au désir de la nouvelle Instruction pour les Assemblées Municipales, la Communauté de Biberkirch réunie à l'instant en présence de M. le président, Secrétaire et des trois prestateurs, avaient procédé par les voix du scrutin et deuxième Liste, et ont été choisis à la pluralité des suffrages, pour Maire le sieur Thédore Didat, cultivateur, pour membre municipal et officier remplacé, Christian Waché boulanger, pour procureur le sieur Jean Baptiste Barras, pour Notables Jean Jacquemin, Jean Waché et Nicolas Robinet, citoyen, de laquelle élection a été dressé le présent procès verbal, que le sieur président et officier élu ont signé après avoir prêté Serment."
Nous déplorons malheureusement l'absence du registre du conseil municipal de la commune de Troisfontaines à partir de sa création comme commune lors de la révolution jusqu'à 1818. Il n'est donc pas possible de donner le moindre renseignement.
Le village de Biberkirch faisait partie du baillage de Lixheim et son seigneur était le comte de Custine.
Le comte de Custine a fait le 20 mars 1789 la déclaration suivante: "Je renonce pour toujours, tant en mon nom qu'au nom de ceux des gentils hommes du baillage desquels j'ai le pouvoir, à tous avantages quelconques attribués à l'ordre de la noblesse, dans la contribution pécuniaire, entendant de supporter le poids de ceux qui seront accordés, mais seulement par les Etats Généraux en proportion de nos revenus sis dans le baillage, réservant à la très pauvre Noblesse, forcée de cultiver par elle même ses terres pour se mettre à la portée de soutenir son rang, le droit de ne point contribuer à l'imposition de la taille, ni de la corvée, pour la culture de cinquante jours à la rois et de concequente fauchées de pré nécessaires à la charrue".
En l'an 1789, le 8 avril, en vertu des lettres du roi données à Versailles le 7 février et le 25 mars derniers pour la convocation d'assemblée des états généraux du royaume et de règlements joints "Une demande de plaintes communes et générales fut établie" (Une liste des proportions fut établie suivant les trois ordres).
Les habitants de Biberkirch et de Troisfontaines faisaient partie du "Tiers Etat".
Le Cahier de Doléance de Biberkirch fut établi le 15.3.1789 en la maison du syndic Joseph Sour. L'acte comprend 17 signatures y compris celle du syndic.(Joseph Suhr, Lorentz, Haffenmeyer, Nicolas Waché, Antoine Schlernitzauer, JW Didat, Jacques Humbert, Georg Mettenet, Peter Conrad, Martin Humbert, Joseph Gardon, Etienne Collin, Nicolas Buh, Joseph Ecker, Christian Vaché, G.Galabress, Jean Pierre Vaché.
Le texte de cet acte se trouve dans les annexes.
Ce cahier de doléance nous donne de précieux renseignements, entre autre les noms des députés à l'assemblée des trois ordres à Lixheim sous l'égide du Tiers Etat: MM Nicolas Vaché lieutenant du maire et Antoine Schlernitzauer, tous deux négociants. Cette assemblée des trois ordres a élu à haute voix, conformément à l'article 46 du règlement de Sa Majesté du 24 janvier des deux députés du Tiers qui sont MM Ricatte lieutenant général et Bouvener cultivateur à Nitting.Ces députés sont chargés des cahiers de doléances, plaintes et pétitions du baillage faites par leur commissaire et ont promis de les porter à l'assemblée.
Dans les cahiers de Biberkirch nous trouvons le nombre d'habitants qui était de 345. En outre il y avait dans les 60 feux. Les biens de la commune se composaient de deux maisons attribuées l'une au régent d'école, l'autre au pâtre et 300 journaux de terres.
Dans ces cahiers de doléances nous trouvons surtout celles qui sont connues à toutes les communes et qui correspondent au schéma qui leur a été proposé. D'autres par contre sont plutôt particulières à chaque commune.
La première est due à sa situation dans la montagne avec un sol ingrat sablonneux rempli de rochers qui ne produit que du seigle et jamais assez pour la subsistance des habitants. Pour élever des bestiaux il faudrait pouvoir corriger les fourrages avec du sel, mais celui-ci est trop cher. La deuxième demande est que le seigneur leur accorde tous les ans le pâturage dans les taillis comme autrefois. La troisième demande est que le seigneur leur vende le bois de chauffage à un prix raisonnable. Celui-ci préfère en effet vendre son bois aux verreries. La quatrième demande est que l'ordonnance des enclos soit annulée car c'est trop onéreux pour les habitants, trop pauvres. Une cinquième demande pour l'église, est la défense aux fabriques l'achat des terrains, mais qu'il soit permis à la commune de faire des revenus pour payer les ornements, vases sacrés et autres fournitures.
A Troisfontaines le manque d'un registre du conseil municipal pèse lourd sur l'histoire du village lors de la révolution. Heureusement la SHAL a pu découvrir le cahiers de doléance de Troisfontaines par hasard dans les archives de Nancy.
Le texte découvert nous dit : "Aujourd'hui, quinze mars 1789, en l'assemblée convoquée en la manière ordinaire, sont comparu, en la maison de Jean Girard, syndic, les habitants nés français, âgé de 25 ans, compris dans les rôles des impositions, habitants de cette commune de Troisfontaines composée de 53 feux et ont désigné leurs députés en la personne des sieurs Jean Girard, syndic et Jacques Baumgardner, tous deux laboureurs.
Le cahier de doléances a été approuvé le même jour.
Celui-ci contient les mêmes plaintes que Biberkirch en ce qui concerne le sel trop cher pour l'amendement, de même que le pâturage dans taillis.
La question du prix du bois y est aussi en plus. Ils se plaignent qu'il n'ont plus le droit au bois mort et mort-bois comme autrefois.
Ils ont soulevé les mêmes plaintes que Biberkirch. En effet les deux villages formaient une seule communauté avant la révolution. Le village de Troisfontaines a tout simplement été considéré comme commune à part, sans acte quelconque, en prenant le village comme base et non plus la paroisse.
Que s'est-il passé à Biberkirch durant la période révolutionnaire.
Le registre des Conseils Municipaux nous donnent des éclaircissements.
- La distribution du sel par les salines de Dieuze a été réglée par un décret de l'Assemblée Nationale du 20 juillet 1791 et par la proclamation du 1er janvier 1792 en raison de 6" le quintal. Un arrêté de l'administration du Département a autorisé la commune de Biberkirch à chercher une voiture de sel pour la consommation. La commune de Biberkirch a chargé Théodore Didat, maire de la commune à chercher une voiture de sel de quarante quintaux à raison de 6" de quintal. Le Conseil Municipal a été désigné par Didat maire , Christian Vaché et Martin Humbert officier.
En l'an 2 eut lieu la réunion des citoyens au nom de la Nation pour le renouvellement des Membres Municipaux, des Notables, des Assesseurs et du Juge de Paix. A été élu président le citoyen Jean Baptiste Barras et pour greffier François Catrin maître d'école et scrutateurs les nommés François Clausen , Antoine Backoffer et Pierre Conrad. A été élu maire de la Municipalité Pierre Vaché, officiers municipaux Martin Humbert et Joseph Erard, procureur de la commune Jean Jacquemin. Comme Notables ont été élus Blaise Robinet, Nicolas Robinet, Georges Lehmann, Georges Mettenet, François Berton, et Jean Wacker. Comme Juges de paix ont été élus Martin Humbert, Jean Baptiste Barras, Georges Mettenet et Blaise Robinet.
L'armée avait besoin d'hommes en l'An 2. Pendant trois jours la commune a ouvert un registre, conformément au décret sur la réquisition du procureur de la commune pour l'enregistrement de ceux qui se présentaient volontairement pour la défense de la patrie. Mais personne ne se manifesta. En conséquence de la réquisition, les citoyens de Biberkirch ont été convoqués depuis l'âge de dix huit jusqu'à quarante ans au nombre de quatorze. Ne s'est pas présenté Martin Eschenbrenner, auquel le chirurgien- juré a délivré un certificat d'infirme.
Il a été procédé au tirage des numéros entre douze citoyens présents. Le sort est tombé sur Henry Lehmann, Joseph Vaché, Eugène Engel et Joseph Röhr.
Mais l'armée avait besoin de tout en l'An 2 (1793). Le directoire du Département de la Moselle a demandé la fourniture d'un contingent de graines pour la Subsistance Militaire. Mais la commune était dans l'impossibilité des les livrer. En effet, à cause du mauvais temps les habitants de Biberkirch n'ont pas pu faire les semis d'automne et n'ont que peu de seigle d'été et peu d'orge. Pour le rassemblement et la délivrance des grains dans le Magasin de la République , le citoyen Jean Vaché a été nommé commissaire.
Les ouvriers Martin Humbert, Blaise Abbas et Clément Guerre ont travaillé le bois qui a été en réquisition pour le charbon qui devait servir pour la poudre. Ils ont fait par deux fois 78 fagots taxés par la municipalité et l'agent de Niderviller, chef lieu du canton à 30" pour le fagot et payé par l'agent de la commune de Niderviller ainsi que le transport du Freywald à Niderviller conformément aux lois (le 14 florial de l'an second de la République française une et indivisible).
Le 2 prairial de l'an second a été effectué le paiement des ouvriers qui ont travaillé au fouillement des terres Salpêtrière et pour la conduite des Eaux Salpêtrière de Biberkirch à Lixheim, et pour le raccommodage des cuves et baquets pour le transport de 39 quintaux d'eaux Salpêtrière. La distance était estimée à quatre lieux de Biberkirch à Lixheim, à cinq sous et six deniers par quintal.
Le quinze frimaire de l'an trois la commune achève de faire la visite et l'estimation des bêtes de trait qui sont obligés de faire les convois et les Transports du Contingent : - Joseph Gerber a 2 chevaux dont le premier une jument est de la taille de quatre pieds, âgé de 10 ans et borgne de l'oeil droit. Le deuxième est de la taille de quatre pieds et est âgé de six ans.
- Nicolas Robinet a 3 chevaux dont le premier est de la taille de trois pieds 10 pouces âgé entre 7 et 8 ans. Le second est de la taille de trois pieds 10 pouces . Il est âgé de 5 ans et est borgne de l'oeil gauche. Le troisième est une jument de la taille de trois pieds 10 pouces.
- Nicolas Fischer a 2 chevaux dont le premier est une jument de la taille de trois pieds neuf pouces, âgé de 3 ans et demi, le second est un cheval de la taille de 3 pieds neuf pouces. Il est âgé de 7 ans.
- Pierre Conrad a 2 chevaux dont le premier a la taille de quatre pieds et est âgé de neuf ans. Le second est une jument de la taille de 3 pieds neuf pouces. Elle est âgée de 5 ans.
- François Berton a 2 chevaux. Le premier a quatre pieds et est âgé de 5 ans. Le second est de la taille de 3 pieds neuf pouces. Il est âgé de 4 ans. En plus il a 2 boeufs de la taille de 3 pieds et âgés de 5 ans.
Ces 11 chevaux et 2 boeufs faisaient donc partie du cheptel de travail des cinq grands agriculteurs de Biberkirch. Tous les autres ne faisaient la culture qu'avec une ou deux vaches.
C'est tout ce qui a pu être retiré des archives de Biberkirch.
D'autres études nous renseignent sur les faits de cette période applicables dans leur généralité à Biberkirch comme à Troisfontaines.
En ce qui concerne la distribution des écoles primaires dans le district de Sarrebourg, la loi du 27 brumaire relative à l'organisation des écoles primaires et la lettre de la Commission exécutive de l'Instruction publique du 25 nivôse dit que, pour les campagnes l'article 2 de la loi autorise à établir une école primaire à raison de 1000 habitants afin d'éviter les inconvénients qu'une trop grande dispersion entrainerait avec elle. Chaque école primaire n'a plus choisi la plus grande commune, mais celle qui se trouve placée de manière à réunir autour d'elle un nombre d'habitants plus prochet de 2000. L'état exerçait une emprise formidable sur l'éducation des enfants. Il dit que l'enfant appartenait plus à la société qu'aux parents. Le tout nuit à la personnalité de l'individu.
Le directoire du district de Sarrebourg, l'agent national entendu arrête le 1er pluviose de l'an III que l'arrondissement des écoles primaire de son ressort sera composé ainsi: Biberkirch chef lieu 393
Hartzviller 446
Troisfontaines 311
______
1150 habitants
Revenons aux armées. Tout ce qui était nécessaire ou utile aux armées et à leur entretien était réquisitionné: hommes, sabots, couvertures, cuirs, pruneaux pour l'hôpital militaire, son, légumes secs, fourrage et autres. Tous les porcs furent réquisitionnés, excepté les jeunes et les maigres et ceux qui étaient opprobre à la consommation.
En ce qui concerne le fourrage l'ordre était de ne laisser aux cultivateurs que les foins strictement nécessaires. Il fallait à la force armée toutes les voitures. Malheur à ceux qui oseraient reculer. Pour remplacer les bestiaux et le fourrage enlevé, on leur parla de la Liberté qui "dédommage toutes les fatigues et les peines".
Les communes qui avaient des provisions de sabots et dont les ouvriers étaient réquisitionnés pour en fabriquer étaient Abreschviller, Barville,Garrebourg, Harreberg, Hommert, Hasselbourg, Niderhoff et Troisfontaines. La fabrication de ces sabots dont les soldats devaient se servir en quartier ou en cantonnement cessa par ordre du 9 ventôse an III (27.2.1793). Quatre mois plutard l'administration se plaint de ce qu'aucune quantité n'ait été livrée dans le magasin militaire de Sarrebourg et que toutes ses lettres soient restées sans réponse. Certains employés militaires se croyaient permis, non seulement vis à vis de la population à laquelle ils extorquaient leur nécessaire même avec la force armée, mais aussi vis à vis de l'autorité du district.
Le 15 germinal an II, 35 effets servant au culte à l'église ont dû être porté au District de Sarrebourg. Le curé Corringer, réfractaire dut s'expatrier suite à la loi du 26 août 1792, ainsi que Baumgarten Michel de Biberkirch. Au total 33 prêtres se sont expatriés du District de Sarrebourg.
La Révolution a changé toute la mentalité et la vie de la population.
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